Saviez-vous que Lisbonne est la plus ancienne ville d’Europe de l’ouest encore habitée depuis trois mille ans ? L’évolution de son nom évoque à elle seule l’histoire des nombreuses cultures et civilisations qui s’y sont succédé : phénicienne (Alis Ubo), grecque (Olissipo, en référence à Ulysse), romaine (Olisipo), wisigothique (Ulishbona), arabe (Al-Ushbûn), portugaise au Moyen Age (Ulixbona) et à partir du XIIIe siècle, son nom officiel actuel est Lisboa.
Dans ce carrefour d’échanges, de migrations et de métamorphoses, se tenait du 30 juillet au 2 août, le 54e Congrès de l’Association Psychanalytique Internationale. Il avait pour thème : « Psychanalyse, un ancrage en ces temps chaotiques ».
Dans un immense centre culturel, pareil à une sorte de forteresse claire, non loin du Tage et du Monastère des Hyéronymites, une foule chatoyante et multilingue de psychanalystes s’est perdue et retrouvée dans le labyrinthe intérieur du bâtiment, tout en salles, coursives, escaliers, terrasses, et autres ascenseurs…
Il était question d’ancrage, certes, mais peut-être encore plus de repérage, de boussole et de navigation. « Navegar é preciso » écrivait Fernando Pessoa : naviguer est nécessaire -et aussi précis- comme l’indique la polysémie du mot. Cette « phrase glorieuse » vient de la longue histoire maritime du Portugal d’où partirent des découvreurs de monde comme Vasco de Gama (qui atteignit les Indes en contournant l’Afrique) ou Magellan dont l’expédition réalisa le premier tour du monde.
Mais elle vaut probablement aussi pour nous, psychanalystes, aux prises avec un horizon de pratiques diverses, d’expériences cliniques et de réflexions théoriques contrastées.
Harriet Wolfe, la Présidente sortante, avant de passer le relais à Herribert Blass, le nouveau Président, insista à plusieurs reprises sur les phénomènes de polarisation au sein des sociétés. Diffractions culturelles, techniques, politiques se sont fait entendre dans les réunions institutionnelles et autour de certains exposés. Le monde et ses turbulences ont eu pour certains un effet sidérant, voire paralysant. Mais, après coup, dans quelle mesure les tragédies ambiantes ont-elles donné lieu à une forme d’instrumentalisation pour nous éloigner d’autres débats ?
N'y a-t-il pas mieux à faire de nos divergences ? Au-delà de cette notion de polarisation, le Congrès de Lisbonne fut l’occasion pour quelques collègues européens d’affirmer et faire entendre l’importance de l’héritage historique de notre discipline, la préférence pour le travail ‘en présence’ et l’intérêt de la pensée analytique pour s’orienter dans les malheurs du temps actuel. Je pense particulièrement à l’exposé de Patrick Miller, qui fut plus que vivement applaudi. Personnellement, j’y ai trouvé l’expression d’un psychanalyste engagé et une tribune émouvante, claire et élégante, en faveur de l’écoute et la réflexion psychanalytique par une voix majeure de notre société.