Dans un article récent du journal Le Monde sur le TDAH (Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité) une pédopsychiatre explique : « Le TDAH est un trouble médical, comme l’hypertension, il n’y a pas de place pour le bla-bla »[1].
Cette affirmation, pas très avenante pour les hypertendus, ancre toujours un peu plus les pathologies de l’enfance du côté des troubles neurodéveloppementaux (TND) et nous éloigne totalement de la réalité de la vie psychique.
Ces approches, totalement centrées sur les neurosciences, interrogent la place de la psychiatrie renvoyée sans cesse vers la neuropsychiatrie ! Car la psychiatrie perd tout sens depuis que les sciences humaines l’ont délaissée. Il n’y a plus d’approche institutionnelle. Penser le sujet, son histoire, sa vie psychique, ses interactions avec son environnement, sa subjectivité, sont obsolètes. L’approche psychanalytique est ignorée, voire totalement rejetée. Seules les approches cognitives ont encore une place.
On peut d’ailleurs se demander s’il n’y a pas un lien avec la désaffection dont la psychiatrie est l’objet : seuls 52% des postes de psychiatrie étaient occupés en 2024 contre 75 % il y a 10 ans[2]. L’absorption et la dilution de la psychiatrie dans la médicalisation à outrance ne sont-elles pas en train de la tuer définitivement ?
Pas de place pour le bla-bla, pas de place pour la ‘talking cure’ ! Pas de place, donc, pour penser la vie psychique, ses constructions et ses fantasmes, ses refoulements et sa pulsionnalité. Il nous faut nous interroger sur ce fossé qui s’est creusé avec les disciplines médicales, alors même que le recours à des méthodes parfois totalement irrationnelles, n’a jamais été aussi important.
Nous avons à retrouver une place. Ne pas rester dans l’indifférenciation des méthodes « psy ». Affirmer un savoir, une méthode, une approche de la vie psychique. Et, peut-être, réfléchir à l’histoire de ces trente dernières années. Qui est responsable de ce divorce ? Qui a délaissé qui ? Les psychanalystes se sont-ils trop enfermés dans leurs théorisations sans se soucier du quotidien, de la souffrance des patients dans les services de psychiatrie, voire de la souffrance des soignants ? Avons-nous trop recherché l’or pur de la psychanalyse avec, il faut le reconnaître, à une certaine époque, une arrogance qui empêchait tout débat ?
Ce recul, aujourd’hui, est catastrophique pour la psychiatrie et, encore plus, pour les patients. Les jeunes psychiatres ne font plus d’analyse. On en vient à penser la maladie mentale sans la moindre approche psychologique ou métapsychologique. Le sujet n’est plus appréhendé dans la complexité de sa vie psychique mais seulement à travers l’imagerie cérébrale.
Il ne faudrait pas que ce nouveau discours scientifique, au prétexte d’une vérité, vienne à son tour empêcher le débat. Au même titre que la théorie psychanalytique a pu parfois tenir un discours sans appel, alors même que le propre de nos disciplines est d’ouvrir à l’échange et au travail de penser.
PS : Pour approfondir le sujet on peut lire le numéro de Carnet Psy de septembre consacré au TDAH en suivant ce lien : https://carnetpsy.fr/dossier/psychopathologies-du-tdah-et-de-lhyperactivite/
[1] Le Monde du 25/09/2024.
[2] Le Monde du 17/09/2024.