Le 85ème congrès des Psychanalystes de langue française (CPLF) s’est tenu à Athènes sur le thème (Dé)symbolisation, Traumatisme, Mémoire. Un sujet vaste, très dense. Trop peut-être.
En ces temps troublés ou les traumatismes ne sont pas de vains mots, comment ne pas penser, quand on est aux pieds de l’Acropole, à l’histoire ? Comment ne pas avoir, malgré tout, le sentiment d’une pérennité de la civilisation, venant comme en contrepoint nous rassurer sur la fragilité de nos existences et de nos certitudes ?
A Athènes, on pense bien-sûr à Freud, troublé. « Ainsi donc tout cela existe ». Mais c’est aussi l’occasion d’évoquer Marie Bonaparte, princesse de Grèce et de Danemark, qui contribua en 1926 à la fondation de la Société Psychanalytique de Paris (SPP) et de la Revue Française de Psychanalyse. Marie Bonaparte qui permit à Freud d’échapper à la barbarie nazie. Occasion aussi de rendre hommage à Marilia Aisenstein, décédée le 21 mai 2025, figure marquante de la psychanalyse et d’un lien intime avec la Grèce. Être à Athènes c’est retrouver un peu de nos racines communes, marcher sur les traces ineffables de notre civilisation, penser à la démocratie aujourd’hui malmenée.
Le traumatisme c’est un trou dans la mémoire, un trou noir, un trou de mémoire. Et il est bien difficile de parler du rien, quand il n’y a pas de souvenirs, pas de traces perceptibles. C’est à cet exercice difficile que se sont livré les rapporteurs et les différents intervenants du congrès. Comment restituer une pensée, recoudre un tissu déchiré, des traumatisme enfouis, silencieux ? Donner une forme à l’informe, avoir une fonction symbolisante, permettre une construction afin qu’advienne un passé (J.B. Dethieux). ?
Il ne s’agit pas tant de retrouver la mémoire que de lui donner un droit d’existence. D’où l’importance du perceptif, de l’inscription dans le corps, de toutes ces traces qui constituent un « réservoir représentatif ». D’où l’importance du travail analytique qui permet de faire émerger un « Je ». Car les problématiques archaïques sont des problématiques sans sujet quand le « sujet » n’a pas été effracté en tant que sujet mais dans son sentiment d’existence (R. Roussillon).
Il y aurait encore beaucoup à dire sur tous les thèmes abordés (dont celui, inhabituel, de la mort du patient en analyse) mais on conclura avec un sociologue, Panayis Panagiotopoulos qui a évoqué l’anomie. L’anomie, cet état de désorganisation où il n’y a plus de normes, plus de liens sociaux. Un état que l’on peut rapprocher de la déliaison et de la dé-symbolisation. Un état qui entraîne une grande souffrance sociale. Que se passe-t-il quand une société se libère par le désenchantement et la désacralisation ? Est-il possible de fonctionner sans le sacré ?
On retourne alors vers l’Acropole dans l’espoir d’y retrouver quelque chose qui nous dépasse. Une histoire, une civilisation. Un espoir tenace dans le sublime et la sublimation. Un espoir dans l’humain contre la barbarie du monde qui chaque jour nous interpelle.
Jean Philippe Guéguen
Président de la SPRF