À propos de l’analyse à distance
Anna Dal Mas, Vice-présidente
L’interrogation terrible de Ferenczi revient dans toute sa puissance. Le rapport proposé récemment par l’équipe de la Taskforce-2 de l’Association Psychanalytique Internationale (API) nous y conduit.
La Taskforce-2 (TF2) est un groupe de travail chargé par l’API depuis mai 2022 de proposer des recommandations à propos de la formation des analystes à l’époque contemporaine.
L’évolution des modes de vie, le développement des technologies ont sans doute permis d’envisager plus aisément la pratique de séances à distance (télé-analyse) avec un(e) analyste, selon des modalités prévues par son Code de Procédure. La récente pandémie a intensifié le recours à l’analyse à distance, rendue nécessaire par l’interdiction de déplacement. Néanmoins, il semble que de nombreux collègues usent de ces aménagements sans véritables limitations.
Sans doute avons-nous à réfléchir et intégrer au mieux ces réalités. Mais jusqu’où et de quelle façon ?
Ce qui nous est proposé à travers la modification du Code de Procédure n’atteint-il pas le cœur même de la psychanalyse ? Quelle expérience du transfert, du contre-transfert, de la résistance, des conflits intrapsychiques, et leurs résonances corporelles un candidat -mais inévitablement un(e) analysant(e)- peut-il éprouver derrière un écran ? Peut-on considérer que seulement 25% de temps en présence, selon un calcul strictement arithmétique et navrant proposé par la TF2, aurait du sens ?
L’impact des modifications infligées à la sensibilité et la perception, mais aussi au cadre et à l’activité psychique de part et d’autre, pour l’analyste et l’analysant(e), ont-elles été étudiées sérieusement et suffisamment, au-delà d’affirmations insistantes, mais peu convaincantes ? Pourrions-nous aborder ces questions avec un esprit scientifique exigeant plutôt qu’un pragmatisme échevelé ? Et définir des critères précis qui rendraient impérieuses des séances à distance, ajoutées à une pratique essentiellement en présence ? La proposition d’analyse « combinée » n’est pas satisfaisante.
L’analyse à distance doit rester exceptionnelle et être justifiée par des circonstances spécifiques qui ne soient pas que de facilité ou de confort. L’encadrer avec des temps comptabilisés comme le propose la TF2, c’est la banaliser.
Il semble que les critiques ou les assentiments se répartissent selon les continents et peut-être les modèles de formation. En Europe, le ton est principalement à la critique et la divergence exigerait sans aucun doute un temps supplémentaire de recherche et d’argumentation.
Se réaménager, certes, mais sans en mourir pour autant.
Anna Dal Mas
Vice-présidente de la SPRF