ARGUMENT
Au milieu du siècle dernier, les psychanalystes français qui ont adopté l’invention viennoise de J.L. Moreno ont fait changer d’état le psychodrame en le rendant « psychanalytique ». En faisant de toute scène l’équivalent d’une scène de rêve, ces pionniers ont donné place à une polysémie précieuse qui permet de figurer et d’interpréter les multiples dimensions du fonctionnement de l’appareil psychique. S’ouvre ainsi une aire de jeu, à même de mettre en mouvement l’immobile du symptôme avec l’aide d’une associativité, devenue elle aussi polymorphe, car elle ne s’appuie plus uniquement sur les mots mais aussi sur le corps et la dynamique du groupe. On peut interroger les changements d’état que promeut la chimie du psychodrame par le biais de la mise en scène : comment la réalité de la perception peut devenir réalité psychique de la représentation, comment silence et surface peuvent se muer en une parlante profondeur, ou encore, comment la scène intersubjective trouve des déplacements sur une scène intrapsychique peuplée de toutes sortes de personnages. Y’a-t-il aussi un changement d’état pour le saisissement du transfert qui se diffracte et peut même se mettre en scène afin de mieux mettre en lumière ses manières d’agir ?
« Le psychodrame dans tous ses états » questionne les modifications du cadre dans leurs variétés : psychodrame individuel, individuel en groupe, groupal, familial…, les épistémologies qui s’y rattachent (inconscient « individuel » ou « groupal », par exemple), ainsi que son articulation avec d’autres dispositifs analysants. En fonction de la capacité des patients à donner forme en séance à leur vie pulsionnelle pour en explorer la conflictualité, le psychodrame peut être un adjuvant passager ou agir tout au long d’une cure. Il peut aussi s’adjoindre d’autres settings, telles des thérapies corporelles pour soutenir la visée analysante d’un processus. On pourra ainsi interroger la manière dont le psychodrame prend place dans une architecture de soin, au sein des institutions et en pratique de ville, et ce qu’il lui est demandé d’analyser : non seulement dans la diversité des contextes cliniques dans lesquels il peut se déployer mais aussi ce qui concerne ses visées : thérapeutique, de formation, de supervision, de dégagement ou encore d’investigation. Comment, enfin, la méthode et la technique psychanalytique se trouvent interrogées ou enrichies par « le psychodrame dans tous ses états ».