« Pour l’organisme vivant, parer aux stimuli est une tâche presque plus importante
que celle de recevoir des stimuli »
(Freud – Au-delà du principe de plaisir)
En ces temps mouvementés de grande agitation, un mot vient à l’esprit : le pare-excitation.
Pour Freud, la fonction pare-excitation protège le psychisme d’un trop-plein d’excitation venant de l’intérieur et de l’extérieur, afin d’éviter le danger d’une effraction traumatique. L’effroi est lié « à l’absence d’apprêtement par l’angoisse, apprêtement qui implique le surinvestissement des systèmes recevant en premier les stimuli ». La protection contre l’excitation est assurée par un investissement et un désinvestissement périodiques du système perception-conscience mais aussi par « l’angoisse signal » qui avertit le Moi d’un danger externe réel ou interne de nature pulsionnel et lui permet de mobiliser ses défenses. Les travaux de Winnicott et de Bion ont insisté sur la fonction pare-excitante de l’objet externe qui filtre et métabolise les excitations en excès.
Si l’actualité attire notre attention sur le pare-excitation, c’est parce qu’elle nous interroge sur cette absence flagrante de fonction pare-excitante de la part des responsables politiques. Sans parler de la plupart des médias qui sont à l’opposé d’une fonction contenante et protectrice qui aiderait à métaboliser des événements qui, par essence, sont traumatiques.
Certes, le rôle du pare-excitant n’est pas de construire une digue étanche qui isole et enferme chacun dans l’indifférence, voire dans une forme d’autisme. Non, le rôle du pare-excitant est celui d’un filtre qui met au travail et évite le surcroît d’excitation qui peut se révéler traumatique et destructeur.
Dans le contexte d’une société en proie à l’excitation permanente, la psychanalyse serait-elle un îlot particulièrement bienvenu ? Son avenir serait-il à cet endroit ? Loin de l’excitation mais au cœur de l’excitation ! Car le cabinet du psychanalyste est le lieu du traitement de l’excitation. Paradoxe qui n’est qu’apparent. Pour pouvoir traiter l’excitation, il faut une enveloppe pare-excitante. Pour pouvoir la penser, l’accepter et ne pas favoriser la déliaison, voire la destructivité, il faut un lieu contenant, un cadre qui protège et garantit une forme de continuité et d’inamovibilité. Un cadre qui résiste aux attaques. Un cadre stable dont le psychanalyste est le garant.
Les emballements de nos sociétés sont bien loin de ce modèle. Mais il n’est pas inintéressant de les mettre en parallèle, de mesurer l’écart et de voir comment la psychanalyse, en étant à contre-courant, peut trouver toute sa place pour proposer une offre différente, proposer une fonction pare-excitante qui mette à distance et mette au travail ce que d’aucuns préfèrent fuir par des mises en acte incessantes.
En attendant, il reste les « vacances ». Vacances ou vacance ? La vacance qui renvoie au repos, au besoin de se ressourcer, de sortir des tumultes qui nous assaillent et que l’on ne peut pas traiter en permanence.
Il faut faire des pauses. Il nous faut des investissements et des désinvestissements périodiques.
Bonnes vacances !
Jean Philippe GUÉGUEN
Président de la SPRF