Jean-Philipe GUEGUEN - Jolanta TIJUS GLAZEWSKI
Le 84ème Congrès des Psychanalystes de Langue Française (CPLF) s'est tenu à la mutualité à Paris du 9 au 11 mai. La mutualité, un lieu mythique, art déco, qui avait à l’origine 1789 places en référence à la Révolution française ! N’est-ce pas le lieu privilégié pour rassembler autant de psychanalystes ? Ce regroupement ne contribue-t-il pas au sentiment d’appartenance à un groupe international ?
Le thème du CPLF était : « S’identifier ».
Il nous faut saluer la réussite de ce congrès qui est un congrès francophone et international avec la participation de nombreuses sociétés venant de pays qui n'ont pas tous le français comme langue d'usage (le Brésil, la Turquie, la Grèce, l’Espagne, la Roumanie...). Congrès francophone qui nous rappelle l'importance de la langue dans nos représentations et nos élaborations. Congrès (autrefois dénommé des ‘Langues romanes’) qui existe depuis 1926 et qui est organisé par la SPP et l'APF quand il a lieu à Paris.
Congrès, enfin, qui a le mérite de tenter d'approfondir un thème contemporain aux préoccupations actuelles des psychanalystes, tout comme le congrès de la FEP et celui de l’IPA. Grâce à des rapports que chacun peut lire longtemps à l’avance et grâce à des groupes de travail dans l'année qui précède sa tenue, le CPLF permet une véritable mise au travail des participants. Chaque année la SPRF veille à organiser un groupe de travail autour du thème du prochain congrès. Ce groupe réunit des membres et des analystes en formation. Investissement préalable aux conférences qui permet une autre écoute lors de ces journées.
Cette année plusieurs membres ont participé aux tables rondes et aux ateliers.
S'identifier, être identifié, se désidentifier. Différents thèmes ont traversé ces journées comme une mosaïque identificatoire renvoyant à un moi « composite » fait d’emprunts. L’identification primaire et son étrangeté, la confusion des langues et l’identification projective, la bisexualité psychique, l’impact de la perte, les origines et la continuité de l’être. Autant de points d’appel que convoque l’identification. En toile de fond, c’est la question de l’identité d’un Je vivant dans l’illusion d’être Un qui se manifeste. Si le choix d’objet narcissique constitue le socle de tous les choix d’objet, les identifications narcissiques sont au fondement de toutes les identifications. On aime dans l’objet ce que l’on est. La mélancolie, souvent citée, apparaît comme un paradigme de l’identification narcissique. Partant avec Freud de l’identification hystérique vers l’identification narcissique, nous avons pu vivre et suivre des mouvements identificatoires multiples, imprévisibles, parfois déroutants mais toujours riches tant ils ouvrent vers des questionnements multiples.
Avec peut-être un regret : que le moi composite des analystes, leurs identifications multiples n’aient pas été plus abordés.
L’invitation de Laurent Stocker, comédien sociétaire de la Comédie Française, est venu imager le travail d’identification du comédien en scène, particulièrement dans les rôles de personnages de pouvoir effrayants. Jouer à faire croire que l’on est un autre, faire rêver le spectateur qui lui aussi s’identifie ? Si l’identification n’est qu’un jeu, ne doit-elle pas pour toucher juste concerner l’universel de chacun, pour que nous puissions y croire ?
Dans un an le CPLF nous mènera à Athènes, au pied de l’Acropole, autour du thème « Traumatismes, désymbolisation, mémoires ». Athènes, lieu d’histoire et de mémoire, mythique, berceau de la civilisation occidentale, mais aussi lieu de l’intime et du surgissement de l’étrangeté, où nous pourrons peut-être nous dire comme Freud en 1904 : « Ainsi tout cela existe réellement » !