Les visages contemporains de l’hystérie
Le corps en débat
Selon Freud, l’hystérie rend compte, non d’une agression venant de l’extérieur, mais de la culpabilité et de la honte en rapport avec un fantasme sexuel incestueux où le séducteur serait le père. En 1908 il élabore le rôle de la mère dans l’hystérie en précisant qu’un symptôme hystérique est l’expression d’une part d’un fantasme sexuel inconscient masculin et d’autre part d’un fantasme sexuel inconscient féminin. En 1931, il avance l’hypothèse de la mère comme première séductrice.
Par la suite, tout en demeurant une problématique œdipienne, l’accent est mis sur les composantes agressives. C’est la destructivité refoulée qui s’exprime à travers les symptômes et les traits de personnalité. André Green propose de fonder le diagnostic de l’hystérie sur le mode de fonctionnement psychique et non sur les symptômes. Il oppose le caractère sexuel ambivalent des hystériques - elles veulent être aimées de l’objet et le détruire en même temps - à la fragilité du moi. Il souligne la difficulté, en relation avec la bisexualité, d’un choix identificatoire masculin ou féminin dans la scène primitive.
L’histoire de la psychanalyse est indissociable de l’histoire de l’hystérie. Dans cette histoire intimement liée on assiste depuis une trentaine d’années à la disparition de l’hystérie dans la nosographie et à une désaffection, voire à une critique radicale de la psychanalyse. Parallèlement la notion de traumatisme (ou de syndrome post-traumatique) connaît une inflation considérable.
Si Freud avait d’abord fait une place prépondérante à la séduction et au traumatisme dans l’étiologie de l’hystérie et des névroses, on peut se demander ce qu’est devenu ce nouage entre séduction, traumatisme et hystérie dont le sexuel semble avoir disparu.
Dans les débats qui agitent notre société on est frappé par l’actualité de ces questions où la notion de traumatisme est multiforme mais confuse, et la victimisation constamment mise en avant. On est frappé par l’inflation de symptômes « somatiques » qui ne sont plus appelés « conversions » mais pour lesquels aucune explication « scientifique » n’est avancée.
Face à ces symptômes erratiques dont on peut rapprocher certaines attaques délibérées du corps, on oppose une pensée et un fonctionnement opératoires. Le psychique et la vie psychique se résument au « stress » faisant de l’environnement une causalité univoque dans un processus de désubjectivation manifeste.
L’hystérie interroge le statut de la plainte. Comment peut-elle se dire ? Comment penser cette interrogation qui semble s’adresser à la médecine (et non à la psychanalyse) quand celle-ci n’a plus de réponse rationnelle. Cette plainte qui est une adresse ; une adresse en forme de séduction, où la cure de parole devrait être une réponse en lieu et place de l’acte.
L’hystérie interroge le féminin. Caricature du féminin pendant des siècles elle fait référence à la matrice, à la femme « malade de l’utérus », quand on disait que cette maladie avait son siège dans cet organe et qu’elle était liée à des accès d’érotisme. Cet oubli de l’hystérie n’est-il pas refus de penser le féminin chez l’homme comme chez la femme, une autre façon de taire une parole que l’on veut par ailleurs émanciper et à laquelle on dénie tout fantasme ?
Cette clinique qui ne serait plus d’actualité montre pourtant que la voie somatique se révèle opérationnelle et est activée comme un moyen de décharge et de dégagement beaucoup plus efficace et direct que tous les essais de remémoration et d’élaboration. Le corps ne parle plus, il agit.
L’hystérique souffre de réminiscences. Il nous faut retrouver la mémoire et retrouver les traces d’une histoire qui en dit long sur l’évolution de notre société, sur notre refus toujours aussi puissant du féminin.
30 septembre 2023 — 9 h- 17h30
Association Notre Dame des Champs
92 bis boulevard du Montparnasse
75014 Paris.
Intervenants :
ATHÉA Nicole
BOUYX Joël
CHABERT Catherine
D’AVOUT Hélène
DUCHATEAU Marie-Anne
FEYS Jean Louis
MILLER Patrick